Le Christ du message de la Salette
« Le critère pour établir la vérité d’une révélation privée est son orientation vers le Christ lui-même » (Benoît xvi, Exhortation apostolique post-synodale Verbum Domini, n. 14).
I. – Le Sauveur du peuple
« Si mon peuple ne veut pas se soumettre, je suis forcée de laisser aller le bras de mon Fils ; il est si fort et si pesant que je ne puis la maintenir ». C’est par cette plainte que commence le message confiée le 19 septembre 1846 à la Salette, dans les Alpes dauphinoises, à deux enfants, Maximin et Mélanie. Mais ce bras, pourquoi Marie cherche-t-elle à le maintenir levé ? Dans la Bible la main ou le bras de Dieu expriment son action, qu’il s’agisse de châtier Israël ou qu’il s’agisse de le sauver. Le prophète Isaïe parle de Dieu en colère contre son peuple, au point d’avoir « levé la main contre lui pour le frapper » (Is 5, 25). Mais le prophète annonce également que « le Seigneur étendra la main une seconde fois, pour racheter le reste de son peuple, (Is 11, 11). Dans le Magnificat tel que rapporté dans l’évangile de saint Luc, la Vierge Marie célèbre le Seigneur qui, « déployant la force de son bras, ... renverse les puissants de leurs trônes », mais également « comble de biens les affamés » (Luc 1, 51.53).
À la Salette Marie se plaint donc qu’elle a du mal à maintenir le bras de son Fils en position levée. Mais pourquoi veut-elle le maintenir en position levée ? Est-ce dans le but de protéger son peuple contre un bras qui, laissé à lui-même, tomberait sur le peuple et le châtierait, l’écraserait ? Ou, plutôt, est-ce dans le but de conserver au peuple la présence d’un bras qui, essentiellement, sauve,- même si ce bras peut également châtier ? La suite du message permet de voir clair. En effet la Vierge y précise qu’elle prie afin que Jésus n’abandonne pas son peuple (« Si je veux que mon Fils ne vous abandonne pas, je suis chargée de le prier sans cesse »). Ce qui implique qu’il est le Sauveur du peuple. Le bras que Marie cherche à maintenir en position levée est un bras levé dans le but de nous sauver. Et s’il châtie, c’est également dans le but de sauver. Car s’il en allait autrement Marie, dans le but de protéger son peuple, chercherait au contraire à faire en sorte que son Fils oublie ce peuple, s’en éloigne. Marie prie donc afin que son Fils continue à veiller sur son peuple et poursuive sa mission de Sauveur. Comme on lit dans la lettre aux Hébreux, Jésus au ciel est « toujours vivant pour intercéder » (He 7, 25) en faveur de ceux qui par lui s’avancent vers Dieu. Des bras maintenus levés dans un but salutaire : lors de la bataille contre les Amalécites dans le du désert du Sinaï, Moïse, avec l’aide d’Aaron et de Hur, maintient ses bras levés (Ex 17, 12). Il obtient ainsi la victoire. De même Jésus, en priant pour nous pécheurs, nous obtient le salut, un salut qui, fondamentalement, s’enracine dans l’oeuvre par excellence du Rédempteur : mort en Croix et Résurrection. Ce qui dans l’apparition a particulièrement frappé les deux voyants, ce fut le Christ visible sur la poitrine de Marie, à la fois crucifié et rayonnant de la lumière de la Résurrection.
Un peuple en besoin de guérison
Cependant une question se pose alors. A nous Dieu demande d’oublier les offenses : « quelqu’un te donne-t-il un soufflet sur la joue droite, tends-lui l’autre ». Dieu nous demande d’être généreux envers qui nous fait du tort : ainsi deviendrons-nous fils de notre Père qui est aux cieux, « car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et sur les injustes » (Mt 5, 39.45). D’où la question : pourquoi Dieu n’oublie-t-il pas nos offenses sans autre forme de procès, pourquoi avons-nous besoin de Jésus pour être réconciliés avec Dieu et sauvés ? Il s’agit là d’un problème extrêmement grave. Or la Providence a voulu qu’il soit traité par Mgr Philibert de Bruillard, l’évêque de Grenoble à qui il reviendra d’examiner l’apparition du 19 septembre 1846 et de la reconnaître comme authentique. Et la Providence a voulu que Mgr de Bruillard le fasse dans sa lettre pastorale pour le carême de l’année 1846, l’année qui justement verra l’apparition.
Mgr de Bruillard commence sa lettre pastorale en rappelant que tout chrétien doit être un autre Jésus-Christ, « c’est à dire, une image vivante de Jésus-Christ, une expression fidèle de Jésus-Christ par l’imitation de ses vertus » (Mandement pour le carême de 1846, Grenoble, impr. Baratier, 8 pages, p. 4). Voilà qui est capital, mais notre problème n’est pas encore résolu pour autant. Puisque Dieu est infiniment généreux, puisqu’il fait briller son soleil non seulement sur les justes mais également sur les pécheurs, pourquoi donc est-il indispensable de le prier, pourquoi un être humain doit-il se conduire selon les dix commandements, s’il veut éviter les désastres et vivre heureux ? Dans la lettre pastorale de 1846 la réponse à ce problème suit immédiatement : parce que l’homme « fut créé à l’image de Dieu » (p. 4). Mgr de Bruillard considère le penchant qu’a tout homme de grandir, comme une manifestation du désir de ressembler à Dieu (p. 5).
L’homme a été créé à l’image et à la ressemblance de Dieu, lisons-nous au début de la Bible (Genèse 1, 26). Malheureusement nous sommes des images à qui le péché a fait perdre beaucoup de la ressemblance avec Dieu ; « de cette précieuse ressemblance il ne reste plus dans l’homme pécheur que de faibles traits », écrit Mgr de Bruillard (p. 5), et il conclut avec la Bible que l’homme doit s’attendre à un châtiment. – Il suffit de réfléchir pour réaliser que dans la mesure où l’homme pèche, l’homme se prépare un enfer pour lui-même. En effet, comme l’homme pécheur a abîmé sa ressemblance avec Dieu, comme il a ainsi blessé sa propre nature, l’homme est devenu un infirme. Dans la mesure où un homme est ainsi devenu un infirme, un homme défiguré, il sera par voie de conséquence un malheureux.
Le Christ Sauveur
Par la foi nous savons que le Fils de Dieu s’est incarné de Marie pour sauver les hommes, tous des pécheurs. Mais sauver comment ? Simplement en prenant sur lui les châtiments provoqués par les péchés ? L’intérêt que présentent les réflexions exprimées par Mgr de Bruillard dans sa lettre pastorale, c’est qu’elles vont droit au coeur du problème. Le Dieu bon et miséricordieux, écrit Mgr de Bruillard, « rétablira dans nous son image » (p. 5). Or la reconstitution de notre pleine ressemblance avec Dieu est absolument nécessaire pour que les êtres créés à l’image de Dieu que nous sommes, puissent être heureux. Pour que nous soyons guéris des mutilations et des multiples infirmités causées en nous par le péché, il ne suffit absolument pas que Dieu ferme les yeux sur nos frasques et fasse briller sur nous son soleil. Il le fait, heureusement, il use de patience avec nous autres pécheurs, mais sa patience et son indulgence ne suffisent pas pour nous éviter de sombrer dans un tourment éternel. Pour être heureux éternellement, nous qui sommes à l’image de Dieu, nous avons besoin que notre rapport à Dieu soit guéri, nous avons besoin de retrouver une parfaite ressemblance avec Dieu. Or cette parfaite ressemblance, nous la retrouvons grâce au Fils de Dieu devenu Fils de Marie. Le Fils ou Verbe de Dieu « s’est fait chair », écrit Mgr de Bruillard, citant le début de l’évangile de Jean. Il « s’est rendu semblable à nous, afin que nous puissions nous rendre semblables à lui ; Dieu s’est fait homme afin que l’homme devînt Dieu » (p. 8).
Mgr de Bruillard rappelle que les vertus, les perfections divines sont ainsi « devenues visibles et palpables et se sont montrées revêtues de tout ce qui pouvait gagner notre coeur et faciliter notre imitation » (p. 8). Mais Jésus ne s’est pas limité à donner l’exemple. Jésus lui-même est le soleil que Dieu fait briller sur nous, et qui nous transforme de pécheurs en justes. Il se donne également en nourriture et fait de ceux qui croient en lui les membres de son corps. Ajoutons que saint Paul parle à ce propos de création : « Si donc quelqu'un est dans le Christ, c'est une création nouvelle » (2 Co 5, 17). « Car la circoncision n'est rien, ni l'incirconcision; il s'agit d'être une créature nouvelle » (Ga 6, 15). « Nous sommes en effet son ouvrage, créés dans le Christ Jésus en vue des bonnes oeuvres que Dieu a préparées d'avance pour que nous les pratiquions. » (Ep 2, 10). – Ajoutons que les écrits johanniques expriment la même réalité en recourant à la notion de naissance : « En vérité, en vérité, je te le dis, à moins de naître d'en haut, nul ne peut voir le Royaume de Dieu » (Jean 3, 3). « Quiconque croit que Jésus est le Christ est né de Dieu » (1 Jean 5, 1).
Le Sauveur tel que présenté à la Salette
A la Salette, la Vierge Marie introduit à ce type de réalités en recourant à des signes et en parlant un langage à la portée de tous, tant frustes que savants. Le signe par excellence qu’elle y montre, c’est un crucifix tout de lumière. Tant Maximin que Mélanie ont été frappés par la vision de ce crucifix. Celui-ci rappelle que le Fils de Marie nous a sauvés, fondamentalement, en vivant jusqu’aux conséquences les plus douloureuses son Incarnation dans une humanité pécheresse en proie à des violences. Il a vécu ces conséquences absurdes tout en demeurant totalement fidèle à son Père, qui l’a envoyé dans ce monde pétri d’injustices. Cette totale fidélité au Père aboutit à la Résurrection et au salut. La luminosité du crucifix de la Salette signifie la victoire du crucifié et le salut de ceux qui s’ouvrent à lui. Cette insistance sur le Christ Sauveur victorieux paraissait à l’époque peut-être plus originale qu’aujourd’hui. Au début du dix-neuvième siècle la catéchèse en France parlait en effet peu du mystère pascal[1].
Autre indication donnée à la Salette par Marie, et pointant en direction de ce type de réalité : l’insistance du message sur le septième jour. « Je vous ai donné six jours pour travailler, je me suis réservé le septième ». Le septième jour est symboliquement le jour où Dieu, ayant achevé l’oeuvre de la création, se repose (He 4, 4.9). Le repos du septième jour, que le peuple de Dieu a le devoir d’observer, signifie la participation de ce peuple au repos de Dieu, à la vie de Dieu. Or au coeur du septième jour tel que célébré par le peuple chrétien, il y a la célébration de l’Eucharistie, elle aussi évoquée dans le message de la Salette. L’Eucharistie nourrit notre union au Christ. Nous savons par le Nouveau Testament que nous sommes sauvés en étant greffés sur le Christ, en devenant membres du corps du Christ, du Christ qui rend grâce au Père.
La piété liturgique a conféré à la Vierge de la Salette le titre de « Réconciliatrice des pécheurs ». Marie a mérité ce titre par le fait qu’elle nous a obtenu le Christ Sauveur qui, lui, nous a tous « réconciliés dans son corps de chair » (Col 1, 22). En lui, devenus membres de son corps, nous sommes réconciliés avec Dieu et aussi entre nous, et nous rendons grâce.
II. - Un fourvoiement vieux de vingt siècles
La Dame de la Salette dit qu’elle doit prier son Fils afin qu’il ne nous abandonne pas, lui le Sauveur qui agit en vue de notre bien. Il arrive malheureusement que l’on fasse dire à la « belle Dame » exactement le contraire. On comprend comme si elle avait dit qu’elle prie son Fils afin qu’il ne nous punisse pas, ne nous écrase pas. Le message de Notre Dame de la Salette nous montrerait une mère éplorée face à une divinité intervenant uniquement pour punir.
Une fois notre message présenté de cette façon, on croit pouvoir conclure que la Salette est un message d’une autre époque que la nôtre. Il y a une trentaine d’années un théologien citait le « Christ de la Salette, imploré par la Vierge compatissante et miséricordieuse de ne pas châtier », comme typique d'un christianisme pour qui Dieu reste le Seigneur jaloux de son honneur, justicier et vengeur[2]. Voici encore une réflexion qu’on lit dans un ouvrage publié à la suite d’un colloque sur la Salette qui a eu lieu à Paris, à l’occasion du 150ème anniversaire de l’apparition : « La présentation d’un Dieu qui menace et se montre prompt à punir n’est guère recevable pour des fidèles de plus en plus sensibles à un Dieu amour et miséricordieux tel que le propose une Thérèse de Lisieux »[3]. Bref, dans des messages comme celui de la Salette il ne s’agirait pas vraiment de la nouveauté chrétienne. Plus que de « foi en Jésus-Christ », il s'agirait de « croyance au Dieu créateur et vengeur, le Dieu redoutable de l'Ancien Testament »[4].
L’origine du contresens
Nous sommes ici très exactement au coeur du problème, qui dépasse le cas, après tout assez limité, de la Salette. On raisonne comme s’il existait une opposition entre le Dieu créateur, le Dieu de l’Ancien Testament d’une part, et Jésus Christ, si compatissant pour les hommes et si miséricordieux, de l’autre. Le Dieu créateur agit en tyran, tandis que Jésus Christ compatit. Or le filtre qui produit une opposition entre l’Ancien Testament et le Nouveau, ce même filtre produit, appliqué au message de la Salette, l’interprétation d’après laquelle la Dame de l’apparition protégerait son peuple contre son Fils.
Comment ce filtre fonctionne-il ? Pour le comprendre il convient de remonter à son inventeur, un hérésiarque du nom de Marcion, qui vivait au second siècle de l’ère chrétienne. On sait communément que Marcion mettait une opposition absolue entre, d’une part, le dieu de l’Ancien Testament, un dieu cruel, méchant, mauvais et, d’autre part, le dieu du Nouveau Testament, un dieu bon. Le public tant soit peu cultivé sait également que Marcion rejetait non seulement tout l’Ancien Testament, mais également une bonne partie du Nouveau. Ce que le grand public sait moins, c’est que Marcion admettait l’existence de la création. Mais l’oeuvre de la création était, d’après lui, l’oeuvre du dieu mauvais de l’Ancien Testament. Donc pas question de rendre grâce ni pour la nourriture ni pour aucun autre bien ! - Les disciples inconscients de Marcion ne vont pas jusque-là. Mais si l’on réfléchit sur la Rédemption par la croix en se laissant enfermer dans ce type de problématique, on conclura fatalement que la Rédemption par la croix, telle que prêchée par le christianisme traditionnel, consiste à assouvir la soif de vengeance de Dieu. Elle ne procure aucun bien à l'humanité sinon indirectement, en calmant la colère du maître.
Face à ce genre de tyran, envisager l'homme comme créé à l'image de Dieu et comprendre l'oeuvre du Christ comme une re-création, comme une restauration de la relation à Dieu d’une humanité créée à l’image de Dieu, n'a plus guère de sens, même si l’on ne va pas aussi loin que Marcion, pour qui le créateur était un dieu pervers. Aux yeux de qui se laisse enfermer dans cette perspective, Jésus sauve simplement en enseignant. Il n'est plus qu'un idéologue inventeur d’une religion pour adultes. La question de savoir si Jésus nous abandonne ou pas n'a qu'une importance très secondaire. Et puisque Jésus de Nazareth sauve uniquement en enseignant, le bras dont Marie aurait parlé à la Salette sera fatalement interprété, par les esprits imprégnés de cette mentalité, comme étant un bras levé uniquement pour châtier, conformément à l’ancienne façon de voir désormais "dépassée". Car que pourrait-il faire d’autre ?
Du marcionisme aux idéologies à coloration chrétienne
La mentalité contemporaine est certainement allergique au marcionisme en tant que religion admettant l’existence de deux divinités. En revanche la mentalité contemporaine, comme du reste les mentalités des siècles passés, se laisse aisément fasciner par le dynamisme à l’origine du marcionisme comme de mainte autre hérésie, à savoir une approche unilatérale ou fragmentaire de la parole de Dieu. Ainsi à l’aube des temps modernes il y eut des théologiens imprégnés de philosophie nominaliste. Ils concluaient, à partir de l’idée que Dieu est tout-puissant, qu’en toute justice il aurait pu ordonner à l’homme n’importe quoi : voler, torturer, etc. Puis il y eut des dérapages en sens contraire aboutissant au rejet de toute transcendance , comme si reconnaître l’autorité de Dieu revenait à diminuer l’homme[5]. Un christianisme qui, par réaction à ce type de dérapage, réduit les rapports avec Dieu à de la sentimentalité, analyse nos rapports avec Dieu en employant le même type de filtre. On a en effet éliminé tout un secteur de la réalité : celui des relations au Créateur, lesquelles entraînent pour la créature le besoin de vivre selon le Créateur et de lui rendre grâce,- faute de quoi la créature créée à l’image de Dieu dégénérera nécessairement.
Un message pour le monde réel
La Dame qui apparut à la Salette le 19 septembre 1846 parlait d’enfants qui meurent et de disette. En d’autres termes : le message concerne notre monde réel, tel qu’il se présentait à des paysans dauphinois en cet automne de l’année 1846. Aujourd’hui la belle Dame, si elle voulait donner un message équivalent, parlerait sans doute de famines en Afrique et de tsunamis en Extrême Orient. C’est ce monde réel qui a besoin du Sauveur.
Par l’Evangile nous savons toutefois que le bonheur parfait ne nous sera donné que dans l’autre monde, auquel il faut nous préparer par la conversion, la prière et la pénitence. Le Fils de Marie est venu une première fois pour nous sauver, et il reviendra pour nous juger. Le Nouveau Testament annonce bel et bien un jugement, et il l’annonce parfois de manière brutale. Rappelons-nous la parabole des invités au repas de noces. L’un des invités était venu mal habillé. « Alors le roi dit aux valets : Jetez-le, pieds et poings liés, dehors, dans les ténèbres: là seront les pleurs et les grincements de dents » (Mt 22, 13). Vouloir opposer la sévérité de l’Ancien Testament à la douceur du Nouveau, c’est montrer que l’on ne connaît ni l’Ancien Testament ni le Nouveau. L’immense pas en avant du Nouveau Testament par rapport à l’Ancien consiste dans le fait que notre Sauveur est effectivement venu et nous a sauvés par sa Passion et sa Résurrection. Mais il nous a avertis : « Le serviteur qui, connaissant la volonté de son maître, n'aura rien préparé ou fait selon sa volonté, recevra un grand nombre de coups... A qui on aura donné beaucoup il sera beaucoup demandé » (Luc 12, 47.48). Or à nous, Dieu a beaucoup donné.
Carmel d’Auschwitz
15 octobre 2013
fête de sainte Thérèse d’Avila
Jean Stern m.s.
Jean Stern vient de fêter ses 60 ans d' ordination, voici son témoignage: « De famille et de religion juive, c'est ma maman qui m'avait orienté dans le choix d'être chrétien. L'instruction religieuse juive m'a beaucoup aidé quand nous vivions en Autriche.
« Il n y a plus ni juif ni païen» : saint Paul voulait insister sur l'égalité de tous. Au début des années quarante, ceux qui exerçaient l'autorité en France étaient d'un autre avis! Mon père a été arrêté à Paris en mai 1941, puis déporté l'année suivante. Son arrestation a fait que je me suis mis à prier, en particulier le chapelet, plus que la moyenne des adolescents.
Quelques jours après la rafle du Vel d'Hiv, qui eut lieu les 16 et 17 juillet 1942, ma mère et moi avons quitté Paris pour nous réfugier en zone libre, près de Grenoble. Mais le 26 août nous avons été arrêtés par des gendarmes. Ma mère est arrivée à Auschwitz une dizaine de jours plus tard. Moi j'ai été relâché grâce à 1 'intervention de l'Amitié Chrétienne, association où collaboraient catholiques et protestants. Après un an au Rondeau-Montfleury, je suis entré, en septembre 1943, au petit séminaire des Missionnaires de Notre-Dame de La Salette. L'éveil de ma vocation remonte cependant à l'époque antérieure au départ de Paris.
C'est en 1942 que m'est venue pour la première fois en tête l'idée de devenir prêtre, après avoir vu un film qui montrait un prêtre exerçant son ministère dans un bidonville.
Je prononçais mes premiers vœux comme missionnaire de La Salette en 1949. Après ma licence de théologie à Rome, j'étais ordonné prêtre en 1953 à l'âge de 26 ans, puis, en 1954, nommé professeur à Voiteur ... »
Jean Stern, ms (l'article paru dans les Annales La Salette , juillet 2013 n 235)