La jérémiade de Marie

(20edimanche ordinaire : Jérémie 38, 4-10 ; Hébreux 12, 1-4 ; Luc 12, 49-59)

On n’entend jamais parler d’une isaïade, ni d’une hoséade, ni d’une ézékiélade. Par contre, une jérémiade signifie une lamentation ardente, telle qu’on trouverait chez Jérémie. Non seulement est-ce que le Livre des Lamentations s’attribue généralement à lui, mais nul autre prophète a été tellement opposé dans sa mission, ni si mécontent dans sa vocation.

Certains éléments du message de Notre Dame de la Salette porte le caractère d’une jérémiade. Elle se plaint de la futilité apparente de ses efforts pour son peuple : « pour vous autres, vous n'en faites pas cas. »

Dans Jérémie 14, 17 nous lisons : « Que mes yeux ruissellent de larmes nuit et jour, sans s’arrêter ! Elle est blessée d’une grande blessure, la vierge, la fille de mon peuple, meurtrie d’une plaie profonde. » De même la Belle Dame pleure sur son peuple—mais aussi sur son Fils crucifié, dont elle porte l’image sur son cœur.

La croix était non seulement un instrument de torture, mais aussi de honte, comme le dit très clairement la Lettre aux Hébreux : Jésus « a enduré la croix en méprisant la honte de ce supplice. »

Crucifié entre de vrais criminels près d’une entrée de la cité, dépourvu, moqué, nu aux yeux de quiconque, Jésus a souffert des humiliations que l’on a peine à imaginer. Cela faisait partie du baptême que Jésus devait recevoir, que l’on voit décrit dans l’évangile.

L’image de Jésus crucifié est le symbole le plus puissant de l’amour de Dieu pour nous. Mais Jésus lui-même a reconnu que plusieurs le rejetteraient, et que la foi en lui résulterait en divisions. Cela n’est pas moins vrai aujourd’hui qu’alors.

C’est peut‑être pour cela que beaucoup de chrétiens portent une croix, « l’emblème de la honte et du supplice, » selon un fameux hymne américain. Nous reconnaissons que nous ne sommes pas dignes du grand don que Jésus a gagné pour nous. Il a enduré la croix, et il n’y a pas de honte à être son disciple.

Maximin a dit que se première pensée en voyant la Dame était qu’elle avait été battue et s’était évadée dans la montagne pour pleurer tout son saoul. Oui, les yeux de Marie ruisselaient de larmes à la Salette. Vivons de façon à consoler son cœur affligé.

Traduction : P. Paul Belhumeur, M.S.

Le trésor de la foi

(19edimanche ordinaire : Sagesse 18, 6-9 ; Hébreux 11, 1-2, 8-19 ; Luc 12, 32-48)

« Heureux le peuple dont le Seigneur est le Dieu, heureuse la nation qu’il s’est choisie pour domaine ! » Cette phrase tirée du psaume d’aujourd’hui trouve son écho dans la deuxième lecture : « Dieu n’a pas honte d’être appelé leur Dieu. »

Cela, comme y insiste l’auteur de la Lettre aux Hébreux, c’est parce qu’Abraham et les autres patriarches ont agi ‘grâce à la foi.’ Les générations subséquentes n’ont pas été aussi fidèles. Le psaume 94 exprime la frustration de Dieu avec son peuple durant leur séjour dans le désert : « Quarante ans leur génération m'a déçu, et j'ai dit : Ce peuple a le cœur égaré, il n'a pas connu mes chemins. »

Il en est de même à la Salette. Marie pleure sur les souffrances de son peuple, c’est certain, mais aussi sur son cœur égaré. Il a oublié le privilège d’avoir été choisi.

Dieu s’est choisi un peuple ; il le traita comme patrimoine personnel. Il s’attendait en retour que ce peuple voie en lui son plus grand trésor. « Je serai votre Dieu, et vous serez mon peuple, » voilà l’en des thèmes plus importants qui reviennent dans la bible.

Nous en voyons la réalisation dans la libération de l’esclavage des descendants d’Abraham. Notre lecture de la Sagesse dit qu’ils ont pris courage précisément parce qu’ils avaient foi dans les promesses de Dieu.

C’est un peu mystérieux qu’un croyant puisse perdre sa foi. C’est peut-être parce que lafoi n’est pas devenue leurfoi ; en d’autres mots, elle n’est pas profondément personnelle. Quand la pratique religieuse n’est plus qu’une habitude, elle ne nourrit pas l’âme. On ne reconnaît pas les dons qu’offrent les sacrements.

Ou bien, c’est peut-être parce qu’on ne veut pas accepter les demandes morales imposées par une foi vécue. Ce fut, par exemple, une grande part de la lutte de st Augustin avant finalement d’être baptisé. Notre foi doit faire face aussi à tant d’épreuves.

Jésus dit, « Là où est votre trésor, là aussi sera votre cœur. » Il n’y a pas à douter où se trouve le trésor de la Belle Dame : « Mon peuple… Mon Fils. » Par ses paroles et par ses pleurs elle révèle son amour constant pour les deux.

C’est cet amour qui l’a motivée à venir et à nous appeler à vivre de la foi et apprécier le trésor que nous possédons.

Traduction : P. Paul Belhumeur, M.S.

Pensez aux réalités d’en haut

(18e dimanche ordinaire : Ecclésiaste 1, 2 et 2, 21-23 ; Colossiens 3, 1-11 ; Luc 12, 13-21)

Toutes les lectures aujourd’hui nous mettent en garde contre la convoitise et la confiance dans les possessions. St Paul résume ces idées avec concision : « Pensez aux réalités d’en haut, non à celles de la terre. »

Et pourtant, la moitié du message de Notre Dame de la Salette se concerne beaucoup avec les choses de la terre : des noix vermoulues, des raisins pourris, du blé et des pommes de terre gâtés ou abondants et, le pire de tour, de la mort des petits enfants.

Elle ne pouvait certes pas dire à son peuple de ne pas se préoccuper de ces choses. Elle pleurait avec eux. Ce qui les touche lui importe. Ces choses ne sont pas vanité.

Mais elle souligne aussi que son peuple ne pense guère aux réalités d’en haut. Bien avant de début de la famine, ils semblent avoir eu peu de temps pour Dieu. La religion était devenue le domaine de « quelques femmes un peu âgées. »

Dans le Psaume d’aujourd’hui nous prions : « Apprends-nous la vraie mesure de nos jours : que nos cœurs pénètrent la sagesse. » Cela signifie vivre dans la présence de Dieu, non dans la hantise de la mort. Deux chapitres après le « vanité des vanités » de l’Ecclésiaste, nous lisons qu’il y a « un temps pour donner la vie, et un temps pour mourir. »

La Belle Dame sait que, entre la naissance et la mort, il y a bien des choses à craindre dans la vie ; mais, auprès d’elle, nous ne devons plus avoir peur. Sous sa direction, nous pouvons arriver à la sagesse du cœur. Mais, il n’y a pas de contradiction à dire qu’elle va nous apprendre la crainte du Seigneur.

Le Livre de Ben Sira le Sage, 1, 14, est l’un des trois versets de la Bible où il est dit : « La sagesse commence avec la crainte du Seigneur. » Mais lisez le chapitre en entier, et vous apprendrez que la crainte du Seigneur est aussi l’accomplissement, la couronne, la racine de la sagesse ; « elle réjouira le cœur ; elle procure plaisir, joie et longue vie » ; elle est « gloire et fierté, joie et couronne d’allégresse. »

Qu’y a-t-il de plus désirable ?

Les premières paroles de la Belle Dame, « Avancez, mes enfants, n’ayez pas peur, » indique la teneur de ce qui doit suivre. En lisant chaque partie du message, aussi affligeante soit-elle, nous devons continuer d’entendre : n’ayez pas peur… n’ayez pas peur…. Cela nous aidera à penser calmement et paisiblement aux réalités d’en haut.

Traduction : P. Paul Belhumeur, M.S.

Prière persévérante

(17e dimanche ordinaire : Genèse 18, 20-32 ; Colossiens 2, 12-14 ; Luc 11, 1-13)

« Si je veux que mon Fils ne vous abandonne pas, je suis chargée de le prier sans cesse—dit la Vierge de la Salette. Vous aurez beau prier, beau faire, jamais vous ne pourrez récom­penser la peine que j'ai prise pour vous autres. »

Abraham, plaidant en faveur des personnes innocentes qui risquent de mourir dans la destruction de Sodome et Gomorrhe, est, pour dire le moins, persistant. Sa prière est audacieuse : « Loin de toi de faire une chose pareille ! … J’ose encore parler à mon Seigneur. »

Quand Jésus a appris à prier à ses disciples, il a tout d’abord déligné brièvement les espèces de chose pour lesquelles prier. Ensuite, avec la parabole de l’ami importun, il insiste sur le besoin de persévérer dans la prière, de prier avec audace. Enfin il inspire confiance : « Demandez, on vous donnera ; cherchez, vous trouverez ; frappez, on vous ouvrira. »

St Paul mentionne « le billet de la dette qui nous accablait. » Dans ce contexte, un billet c’est une obligation légale qui, si elle n’est pas acquittée, entraine la perte d’argent ou d’autre objet de valeur, même la vie. Par la mort et la résurrection de Jésus, Dieu a effacé cette obligation et pardonné tous nos péchés.

Cela ne signifie pas que les chrétiens n’ont plus d’obligations. Ils ont le devoir d’être fidèles à Dieu, qui a envoyé son Fils pour nous sauver, ils doivent apprendre sa volonté et l’accomplir de leur mieux.

Malheureusement, ce ne fut pas toujours le cas. A la Salette la Belle Dame a vu chez son peuple le manque de respect envers son Fils et, plu généralement, pour les choses de Dieu. Pas surprenant qu’elle a parlé particulièrement de la prière—la sienne et la nôtre.

S’adressant à deux enfants ignorants, elle reste simple : un Pater, un Ave Maria, davantage quand vous pouvez mieux faire. Mais notre prière devrait vraiment ressembler plus à la sienne. Nous devons prendre conscience de ce qui se passe en nous et autour de nous, et présenter continuellement au Seigneur nos soucis et nos sentiments, comme le psalmiste qui, aujourd’hui, rend grâce, mais parfois aussi lance un crie de désespoir, ou se plaint, ou demande pardon, etc.

Notre Dame de la Salette, Réconciliatrice des Pécheurs, priez sans cessepour nous qui avons recours à vous !

Traduction : P. Paul Belhumeur, M.S.

Accueillir la Parole

(16edimanche ordinaire : Genèse 18, 1-10 ; Colossiens 1, 24-28 ; Luc 10, 38-42)

« Ce Christ, nous l’annonçons : nous avertissons tout homme, nous instruisons tout homme en toute sagesse, afin d’amener tout homme à sa perfection dans le Christ. » Trois fois Paul écrit : tout homme.Les traductions varient, mais c’est ce que dit le texte original grec.

Pourquoi cette insistance ? Parce que personne ne doit être exclu d’entendre la Bonne Nouvelle. Tous doivent avoir la chance de croire et de persévérer dans la foi, « saints, immaculés, irréprochables, » comme le dit Paul au verset 22 du même chapitre.

Nous voyons plus ou moins la même idée dans l’histoire de Marthe et Marie. Ecouter la Parole de Dieu, c’est « la meilleure part, » la première priorité. Personne ne doit en être privé.

Comme vous le savez, Notre Dame de la Salette ajouta de l’emphase en répétant, « Eh bien, mes enfants, vous le ferez passer à tout mon peuple. » Un jour on demande à Mélanie comment elle entend cette expression. S’agissait-il, dans sa pensée, seulement des habitants de son pays ? Mélanie répond : « Je sais pas, moi : je comprends tout le monde. »

Elle avait bien raison. Aujourd’hui les paroles de la Vierge sont connues dans tous les coins du monde.

La Belle Dame avait quelque chose d’important à dire aux enfants, alors elle les a invités à s’approcher d’elle. Leur peur s’est dissipée et, attirés vers sa lumière, ils se disposaient à accueillir la grande nouvelle. « Nous buvions ses paroles, » disaient-ils.

La Salette a ses détracteurs. C’est dommage ; mais personne n’est obligé à croire aux apparitions. Ce qui est tragique, par contre, c’est qu’il y a toujours eu ceux qui s’efforcent d’empêcher la prédication de l’Evangile. Paul lui-même fut emprisonné. A ce moment il écrivit : « Souviens-toi de Jésus Christ, ressuscité d’entre les morts, le descendant de David : voilà mon évangile. C’est pour lui que j’endure la souffrance, jusqu’à être enchaîné comme un malfaiteur. Mais on n’enchaîne pas la parole de Dieu ! » (2 Timothée 2, 8-9)

L’hospitalité (telle qu’elle se voit aujourd’hui dans la Genèse et dans Luc) signifie recevoir les autres chaleureusement et avec générosité. Si notre vie chrétienne reflète cette attitude envers tous, si, à l’exemple de Marie, nous invitons tousà s’approcher, peut-être pourrons-nous les aider à accueillir la Parole en même temps.

Traduction : P. Paul Belhumeur, M.S.

La loi de la réconciliation

(15edimanche ordinaire : Deutéronome 30, 10-14 ; Colossiens 1, 15-20 ; Luc 10, 25-37)

Nous avons un choix entre deux Psaumes aujourd’hui. Le Psaume 68 nous invite à tourner vers Dieu durant les temps troublés ; le Psaume 18 chante les louanges de la Loi du Seigneur. Les deux s’adressent au cœur salettin.

La Belle Dame décrit la réponse de son peuple vis-à-vis de la famine : « Quand vous trouviez des pommes de terre gâtées, vous juriez, vous mettiez le nom de mon Fils au milieu. » Dans cette situation, les paroles blasphématoires semblent être venues plus spontanément aux lèvres que la prière.

La Loi était parmi les plus grands dons de Dieu a son peuple choisi, une source de fierté, même. Le psalmiste reconnait cela en plusieurs autres endroits, notamment à la fin du Psaume 147 : « Il révèle sa parole à Jacob, ses volontés et ses lois à Israël. Pas un peuple qu'il ait ainsi traité ; nul autre n'a connu ses volontés. » Moïse plaide passionnément : « Écoute la voix du Seigneur ton Dieu, en observant ses commandements et ses décrets. »

Mais Marie a vu que son peuple n’aime pas Dieu de tout son cœur, de toute son âme, de toute sa force et de toute son intelligence.

Le remède qu’elle propose se présente d’une façon, disons, multimédia. D’abord, il y a le message. Mais ses larmes disent ce que les paroles ne pourraient exprimer. La lumière contraste avec les ténèbres qu’elle décrit. Et, le plus important de tout, le crucifix qu’elle porte sur sa poitrine nous rappelle, selon les paroles de st Paul que nous lisons aujourd’hui, que Dieu, par Jésus, a voulu « que tout, par le Christ, lui soit enfin réconcilié, faisant la paix par le sang de sa Croix. »

A la fin de la parabole du Bon samaritain, Jésus dit, « Va, et toi aussi, fais de même. » C’est-à-dire : Ne demandez donc pas ‘Qui est mon prochain ?’ mais ‘A qui puis-je servir de prochain ?’

C’est là une invitation de passer au-delà de la Loi. L’esprit de la réconciliation ne se réduit pas à certaines personnes, ou à l’observance de certains préceptes.

Le message de la Salette n’aborde pas directement la question du ‘prochain.’ Mais quand nous considérons la visite de la Sainte Vierge, venue à notre secours pour nous indiquer le chemin, comment manquerions-nous d’entendre son invitation d’aller, et nous aussi, faire de même.

Traduction : P. Paul Belhumeur, M.S.

Priez bien

(14edimanche ordinaire : Isaïe 66, 10-14 ; Galates 6, 14-18 ; Luc 10, 1-20)

Ce n’est pas un mal prendre joie des succès et des bienfaits qui nous arrivent. Nous devons cependant apprendre à reconnaître leur source. Comme l’a dit Jésus : « Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. » (Matthieu 22, 21)

Mais on peut se demander, « Comment rendrai-je au Seigneur tout le bien qu'il m'a fait ? » (Ps. 115, 12). C’est là qu’intervient la prière.

A la Salette, Marie a demandé aux enfants, « Faites-vous bien votre prière ? » Ils ont admis que non.

Il y a bien des formes de la prière. Le Catéchisme de l’Eglise catholique,commençant au Nº 2626, les décrit : la bénédiction et l’adoration ; la prière de demande ; la prière d’intercession ; la prière d’action de grâces ; la prière de louange. La Belle Dame mentionne le Notre Père et l’Ave Maria, la messe, et le carême. D’autres auteurs spirituels distinguent la prière discursive et contemplative, la Lectio divina, ainsi de suite.

Le fait de ne pas reconnaître qui est Dieu et qui nous sommes empoisonne la vie spirituelle. La prière n’est certes pas la seule réponse au bien que Dieu nous fait, mais elle est fondamentale. Sans la prière, tout que l’on fait au service des autres peut aboutir à un sens déformé d’autosuffisance. 

Oui, st Paul se vante parfois de ce qu’il a accomplis, mais même alors il reconnaît que c’est Dieu qui a rendu cela possible. Son sentiment s’exprime le plus clairement dans sa prière qui vient du cœur : « Que la croix de notre Seigneur Jésus Christ reste ma seule fierté. »

Les soixante-douze disciples dans l’Evangile d’aujourd’hui sont enchantés des pouvoirs que Jésus leur a donnés, mais il les met sur leur garde : « Ne vous réjouissez pas parce que les esprits vous sont soumis ; mais réjouissez-vous parce que vos noms se trouvent inscrits dans les cieux. »

Isaïe a recours à la belle image d’une mère allaitante pour prophétiser un temps d’abondance. A la Salette Marie, notre Mère, parle de « monceaux de blé. » Dans les deux instances, l’évènement futur est précédé d’un temps d’adversité et de deuil, après quoi « le Seigneur fera connaître sa puissance à ses serviteurs. »

Priez bien équivaut ni plus ni moins à la communication régulière et personnelle avec notre Dieu tout-puissant. Impossible en exagérer l’importance !

Traduction : P. Paul Belhumeur, M.S.

S’engager dans la fidélité

(13edimanche ordinaire : 1 Rois 19, 16-21 ; Galates 5, 1-18 ; Luc 9, 51-62)

Le psalmiste change aujourd’hui, « Je garde le Seigneur devant moi sans relâche. » Cela peut signifier deux choses. D’abord, comme nous lisons dans la suite du même verset, il inspire la confiance. Mais il nous rappelle notre engagement envers le Seigneur.

« Jésus, le visage déterminé, prit la route de Jérusalem, » sachant fort bien ce qui l’attendait là. Il s’attend à la même fermeté de la part de ceux qui veulent le suivre ; en particulier, ils doivent abandonner tout, et tous.

En 1846, le slogan révolutionnaire, « Liberté, Egalité, Fraternité, » devenait de plus en plus la devise officielle de la France. Cette attitude se dirigeait entre autres contre la religion en général et, avec férocité, contre l’Eglise.

Ce fut dans ce contexte que la Belle Dame est venue, en pleurs, appeler son peuple de nouveau à l’intégrité de leur héritage chrétien. Elle aurait pu parler des nombreuses façons dont son peuple avait démontré son infidélité. Au contraire elle a choisi ce qu’on pourrait appeler des exemples typiques, indiquant ainsi qu’il y a une manière authentique d’être chrétiens, qui nous impose des demandes légitimes.

Tout en défendant la liberté, st Paul fait comprendre qu’elle ne signifie pas la licence de faire tout ce qu’on veut. Ne voulant pas que les galates (qui « se mordaient et se dévoraient les uns les autres ») se mettent « de nouveau sous le joug de l’esclavage, » c.-à d., du légalisme associé à l’observance fidèle de la Loi de Moïse, il écrit, « Marchez sous la conduite de l’Esprit Saint. »

Mais cela aussi est une forme de soumission, non à quelque chose au dehors de nous mais en nous. Ainsi s’accomplit la prophétie de Jérémie 31, 33 : « Je mettrai ma Loi au plus profond d’eux-mêmes ; je l’inscrirai sur leur cœur. Je serai leur Dieu, et ils seront mon peuple. » Dieu est fidèle, et en retour, nous devons être fidèles aussi.

La fidélité, après tout, est la pierre de touche de toute promesse sérieuse, non seulement dans le mariage ou la vie religieuse, par exemple, mais essentiellement et plus largement quand il s’agit de nos promesses baptismales, de notre engagement en tant que disciples.

Dans sa Litanie, Marie est appelée Vierge très fidèle.A Nazareth, à Bethléhem, en Egypte, à Cana, au Calvaire, à la Salette, à Lourdes et à tant d’autres lieux saints, elle est l’exemple parfait de l’amour fidèle.

Traduction : P. Paul Belhumeur, M.S.

Nourriture dans un endroit désert

(Le Saint Sacrement : Genèse 14, 18-20 ; 1 Corinthiens 11, 23-26 ; Luc 19, 11-17)

La Salette est un endroit caché dans le sud des Alpes françaises. Tandis que des millions de pèlerins visitent Lourdes chaque année, seulement environ 250.000 visitent ce Sanctuaire dans la montagne, et cela principalement au printemps ou en été. A part cela, c’est un endroit plutôt désert.

C’était certainement le cas le 19 septembre 1846. Très peu de gens y étaient, entre eux Maximin Giraud et Mélanie Calvat, à paître leurs animaux ou à faucher le foin. De l’endroit ou ils ont mangé leur simple repas de pain et fromage, Maximin et Mélanie ne voyaient personne d’autre.

Puis, soudainement, une Belle Dame était là !

Elle parla, entre autres choses, d’autres lieux déserts, à savoir les églises. Durant la Révolution française, environ cinquante ans auparavant, la France était devenue violemment anticatholique. Les temps avaient changé, mais les effets demeuraient, et la population nominalement catholique retenait une certaine hostilité envers la religion. 

De temps à autre il y a des gens qui quittent l’Eglise à cause d’un conflit, d’un scandale, ou parce qu’ils rejettent l’enseignement de l’Eglise, etc. Ce faisant, ils se déprivent de l’Eucharistie. Nos lectures d’aujourd’hui manifestent clairement l’importance de l’Eucharistie dans la vie chrétienne catholique. Dans la théorie comme dans la pratique, il est difficile d’imaginer l’une sans l’autre. Sans l’Eucharistie, on se trouve réellement dans un endroit désert.

L’un des Psaumes plus longs décrit la scène de personnes errant dans un désert, affamées et assoiffées. Finalement ils crient vers le Seigneur, qui les sauve et les mène vers une ville. Cette partie du Psaume se conclut ainsi :

Qu'ils rendent grâce au Seigneur de son amour,  
de ses merveilles pour les hommes :
car il étanche leur soif, 
il comble de biens les affamés ! (Ps. 106, 8-9)

En plus des lectures, la liturgie d’aujourd’hui inclut une Séquence, un poème composé il y a 750 ans par st Thomas d’Aquin, lors de l’établissement de cette fête. On y trouve des échos des mêmes sentiments de gratitude, pour la bonté qui nous est montrée dans le don de l’Eucharistie.

Dans la messe, le Christ nous comble en effet de très grands biens. Comment pourrait-on préférer un endroit désert ?

Traduction : P. Paul Belhumeur, M.S.

Dans notre propre langue

(Pentecôte : Actes 2, 1-11 ; 1Corinthiens 12, 3-13 ou Romains 8, 8-17 ; Jean 20, 19-23 ou Jean 14, 15-26)

Après la descente du Saint-Esprit, les Apôtres s’adressèrent à un auditoire international, en parlant araméen, tandis que les gens de nombreuses nationalités les entendaient dans leur propre langue. Cela, évidemment, était l’œuvre du Saint-Esprit, un signe unique.

Ne serait-ce merveilleux si ce signe s’était prolongé jusqu’à nos jours ? Mais cette manifestation particulière du don des langues semble avoir été réservée à ce seul cas. Aujourd’hui les missionnaires dévouent beaucoup de temps à apprendre différentes langues afin de pouvoir prêcher l’Evangile.

A l’occasion de rencontres internationales des Missionnaires salettins, j’ai souvent assuré la traduction simultanée ; je comprends bien combien cela peut laisser à désirer. Trouver la tournure de phrase juste sur le vif est toujours un défi.

A la Salette la Vierge a parlé deux langues. Après avoir commencé en français, elle remarqua la confusion des enfants, et dit alors, « Vous ne comprenez pas, mes enfants ?  Je m'en vais vous le dire autrement. » Le reste de son discours était en patois, sauf la consigne finale de « le faire passer. »

On oserait penser qu’elle aurait dû anticiper ce problème. Mais de même que le signe de plusieurs langues à la Pentecôte a démontré que le message de l’Evangile est universel, ainsi la Belle Dame, par le signe de deux langues seulement, a démontré que son message n’était pas non plus restreint à un seul endroit.

Comme le P. Marcel Schlewer, m.s. signale, Notre Dame a parlé la langue de son peuple, de plus d’une façon. Dans le patois local en effet, elle a parlé des choses importantes de leur vie—le blé gâté, la famine, les enfants qui mourraient—démontrant que ces choses importaient également à elle. C’était là sa « langue maternelle, » c.-à-d. le langage d’une mère. Elle s’adressa aussi aux cœurs par le langage des larmes.

Ce n’est pas étonnant que différents aspects de l’Apparition de Notre Dame de la Salette parlent à chacun d’entre nous de différentes façons. Chacun de nous est unique, en fin de compte, et l’on pourrait dire que l’Esprit Saint, comme à la Pentecôte, faisait en sorte que chacun de nous entendrait Marie « en notre propre langue. »

Traduction : P. Paul Belhumeur, M.S.

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